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De la guerre à la paix - L-L-Klotz - 1924 - Editions PAYOT
28 mars 2010

Les emprunts russes en 2006

             Monsieur Poutine, les épargnants français ne lâcheront jamais prise

Alors que Jacques Chirac embrasse chaleureusement le président russe, Vladimir Poutine, sur le perron de l'Elysée, les porteurs français de titres émis par la Russie avant la révolution bolchevique n'ont toujours pas été remboursés. Pourtant, la Russie a les moyens financiers de mettre un terme à un scandale qui a trop duré. Regroupant les intérêts des porteurs français d'emprunts russes, l'Afper a saisi la Cour européenne des droits de l'homme pour obtenir réparation. Les épargnants français floués multiplient les opérations de guérilla et constituent une véritable épine dans le pied de la Russie.

Le premier emprunt russe a été émis à la Bourse de Paris en 1822. Mais c'est à partir de 1880 que les émissions vont s'accélérer dans l'Hexagone pour les emprunts d'Etat comme pour ceux des chemins de fer. Près de trente millions de titres ont ainsi été placés en France, la dernière émission remontant à 1914. Ces levées de fonds ont été encouragées à l'époque par le gouvernement français au nom de liens diplomatiques clairement affichés, scellés dans l'alliance franco-russe, destinée à encadrer militairement la puissante Allemagne.

Les emprunts russes faisaient d'ailleurs figure à l'époque de placement de père de famille, le rouble étant alors rattaché à l'or. A tel point qu'en 1914 les fonds d'Etat russes auraient représenté jusqu'à la moitié de la rente française. Mais, contre toute attente, la furie de l'Histoire a tout bouleversé, les événements tournant à la tragédie pour les épargnants français avec deux dates clés : octobre 1917 (révolution bolchevique) et 1996 (accord des Russes pour verser une obole en faveur des porteurs français).

Les communistes refusent d'honorer la dette de leur pays

A la suite de la prise de pouvoir au Kremlin par les communistes, un décret en date du 14 janvier

1918 a

entraîné la suspension unilatérale du remboursement des dettes souscrites sous le régime tsariste. Cette décision a ruiné nombre d'épargnants en France et en Europe, conduisant même certains au suicide.

De 1917 à 1996, tous les emprunts russes ont néanmoins continué à être cotés à la Bourse de Paris. Il apparaît même que l'URSS (Union des Républiques socialistes soviétiques) est intervenue à certaines périodes sur le marché parisien pour racheter des titres au prix du papier, signe d'un certain inconfort de sa part.

L'accord de

1996 a

brouillé les pistes

Soixante-dix-neuf années plus tard, et sept ans après la chute du mur de Berlin, les gouvernements russe et français ont eu le souci de se désengager du contentieux des emprunts russes afin de renouer des relations diplomatiques normales. Dans ce but, la Russie a décidé, en novembre 1996, de signer un mémorandum prévoyant, dans une grande largesse, le versement de 400 millions de dollars aux porteurs d'emprunts russes français, représentant moins de 1 % de la valeur actualisée desdits emprunts.

Environ 316.000 personnes, en possession de 9,2 millions de titres, se sont manifestées lors d'un recensement pour obtenir ce remboursement partiel. Créée en mars

1994, l

'Association françaises des porteurs d'emprunts russes (Afper) considère à juste titre cette somme comme un simple acompte.

En effet, si les deux gouvernements contractants ont abandonné mutuellement leurs réclamations l'un vis-à-vis de l'autre, cette renonciation entre Etats n'éteint aucun droit individuel. Ainsi, à la suite de l'accord de 1996, les ressortissants français demeurent libres d'entreprendre toutes les actions qu'ils jugeront utiles devant les tribunaux qu'ils estimeront compétents afin de faire valoir leurs droits.

Pourtant, de son côté, le gouvernement russe considère officiellement que la question du remboursement des emprunts russes est close. Et l'Etat français fait le mort, soucieux de ménager ses amis russes, alors que le pays est dirigé d'une main de fer par une classe sans grand scrupule.

La cotation des emprunts russes est toujours suspendue

L'arrêt de la cotation des emprunts russes à la Bourse de Paris date du 25 novembre 1996. Il s'agit là bien tristement du record de la plus longue suspension de toute l'histoire de la Bourse de Paris. Faut-il rappeler que la cotation sur le marché au comptant de l'action de la société FIPP, société qui possède une créance sur des puits de pétrole russes, n'avait duré que quelques jours en 1996, lors des négociations engagées entre la France et la Russie.

Si la suspension de la cotation en Bourse des emprunts russes était justifiée à l'époque, en raison des incertitudes liées à ces pourparlers, l'Afper considère aujourd'hui que la décision du tribunal de commerce de Paris de ne pas ordonner la reprise de cotation des emprunts russes est intolérable.

De son côté, Euronext estime pour sa part que le remboursement effectué en 1997 en faveur des porteurs français était « inespéré » et que la cotation des dettes russes constitue une « espérance chimérique ». Pour sa part, l'AMF (Autorité des marchés financiers) s'est dite, lors du procès, incompétente sur la question de la reprise des cotations, mais signale qu'elle a le droit de s'opposer à la cotation de titres de créance dont la valeur serait « épuisée ».

Les porteurs français vont maintenir la pression

L'Afper a fait appel du jugement du 1er février 2005 prononcé par le tribunal de commerce de Paris et a saisi la Cour européenne des droits de l'homme.

Certaines de ses actions n'ont malheureusement pas été couronnées de succès dans le passé. Ce fut le cas lors du procès contre deux agences de notation financière anglo-saxonnes, Moody's et Standard et Poor's, qui n'intègrent pas dans la dette de la Russie les emprunts émis avant la révolution bolchevique, contribuant ainsi à donner une image trompeuse de la santé de ce pays.

Par ailleurs, l'Afper a aussi tenté de saisir à plusieurs reprises des biens russes, comme le navire Sedov en 2002 en escale à Marseille, la villa Albatros à Deauville en 2003, appartenant tous deux à l'Etat russe, ainsi que des objets d'art, possession du fameux musée de l'Ermitage, lors d'une exposition parisienne sponsorisée par Total en 2003. En revanche, l'Afper a considérablement gêné une opération financière montée par la Russie au Luxembourg en novembre 2002.

Loin de baisser les bras, Pierre de Pontbriand, dynamique président de l'Afper, a également appris à utiliser les médias pour trouver une caisse de résonance. Il s'agit là d'une priorité car il apparaît que de nombreux journalistes pensent à tort que la question des emprunts russes a été définitivement réglée en 1996. Une méconnaissance du dossier à mettre sur le compte de l'attitude des hommes politiques français, qui brillent par leur silence et par une certaine lâcheté. Pourtant, les opérations de harcèlement menées par l'Afper suscitent un intérêt croissant et provoquent l'admiration. C'est ainsi que la dernière chaîne de télévision indépendante russe, REN TV, a réalisé une interview de Pierre de Pontbriand à l'occasion du voyage du président Poutine à Paris. Une partie de l'opinion publique russe se montre curieuse de savoir qui sont ces Français qui luttent pour défendre leurs créances sans lâcher un pouce de terrain. Une question d'honneur.

La Russie doit revenir à la table de négociations

Une issue possible au scandale des titres russes pourrait passer par la Cour européenne des droits de l'homme, à moins que toutes les parties ne décident de négocier afin de convenir d'un compromis. L'Etat russe pourrait ainsi accepter de rembourser ses dettes avec une décote, en émettant par exemple un nouvel emprunt à long terme qui se substituerait aux précédents. Il s'agirait en quelque sorte d'une « offre publique d'échange ». La cotation de ce nouvel emprunt permettrait aux créanciers de gérer librement leur portefeuille obligataire.

L'extinction de la dette russe est un droit inaliénable. La mauvaise foi de la Russie constitue un précédent dangereux qui menace le bon fonctionnement des marchés financiers. Si la Russie refuse encore d'honorer ses engagements, demain, ce sera peut-être au tour de la France, pays très endetté, ou encore à celui des Etats-Unis, qui vivent à crédit. Cette spoliation a trop duré.

Dans ce contexte, la manifestation organisée par l'Afper le 5 avril prochain contre la journée de rencontres de la chambre de commerce et d'industrie de Paris (CCIP) nous semble salutaire. En effet, au mépris de l'histoire, la chambre de commerce incite les patrons français à investir en Russie. Les porteurs de titres russes seront de nouveau présents à cette occasion pour rappeler à tous les risques encourus en Russie. Une campagne soutenue par Le Journal des Finances.

Même gangrenée par la corruption, la Russie a les moyens de rembourser ses dettes

> Des groupes français comme la Société Générale, BNP Paribas et Renault (avec le lancement de la Logan) n'hésitent plus à investir en Russie, qui fait figure de dernier eldorado sur le continent. Benoît Bonduelle, directeur général de Bonduelle Development, s'est même fait ambassadeur de la Russie auprès des industriels français. Et la Coface, filiale des Banques Populaires, met au service des investisseurs français une politique d'assurance-crédit dans ce pays.

Les investissements directs étrangers (IDE) en Russie auraient ainsi augmenté de 39 % en 2004, pour atteindre 9,4 milliards de dollars, alors que les sorties nettes de capitaux ont bondi à 7,8 milliards de dollars l'année dernière, contre moins de 2 milliards un an plus tôt. Une partie de la fuite des capitaux provient de la mafia, qui recycle prudemment ses profits à l'étranger. De quoi inciter à la méfiance tous les investisseurs désireux d'aller en Russie.

Selon le rapport de la société d'études internationales PBN, « la corruption est la première raison pour laquelle les investisseurs étrangers craignent d'investir en Russie, et quatre investisseurs sur dix pensent qu'il est très difficile d'y faire des affaires sans compromettre les normes éthiques et légales internationales ». Sur ces bases, on pourrait croire que les porteurs français d'emprunts russes ont fort à faire. Et pourtant, leur revendication légitime n'a rien d'irréaliste.

Avec une croissance de 6,5 % en 2004, la manne pétrolière et les rentrées fiscales ont permis de dégager un nouvel excédent budgétaire à hauteur d'environ 3,5 % du PIB de la Russie. Les réserves en or et en devises s'accumulent dans les coffres du Kremlin, pour dépasser 121 milliards de dollars. A titre de comparaison, l'Afper estime la valeur des emprunts russes émis à l'époque des tsars à 46 milliards d'euros.

Des négociations sont même en cours, à la demande de Vladimir Poutine avec le Club de Paris, pour que la Russie rembourse par anticipation une partie de sa dette à son endroit (44 milliards de dollars). La Russie espère ainsi gagner les faveurs des agences de notation financière internationales chargées d'évaluer la qualité des emprunteurs internationaux. Et pourtant, comme l'indique l'OCDE : « Sans amélioration substantielle de la probité, de l'efficience et de la transparence des tribunaux et de l'administration, l'Etat russe continuera à freiner la croissance. »

Même gangrenée par la corruption, la Russie a les moyens de rembourser ses dettes

> Des groupes français comme la Société Générale, BNP Paribas et Renault (avec le lancement de la Logan) n'hésitent plus à investir en Russie, qui fait figure de dernier eldorado sur le continent. Benoît Bonduelle, directeur général de Bonduelle Development, s'est même fait ambassadeur de la Russie auprès des industriels français. Et la Coface, filiale des Banques Populaires, met au service des investisseurs français une politique d'assurance-crédit dans ce pays.

Les investissements directs étrangers (IDE) en Russie auraient ainsi augmenté de 39 % en 2004, pour atteindre 9,4 milliards de dollars, alors que les sorties nettes de capitaux ont bondi à 7,8 milliards de dollars l'année dernière, contre moins de 2 milliards un an plus tôt. Une partie de la fuite des capitaux provient de la mafia, qui recycle prudemment ses profits à l'étranger. De quoi inciter à la méfiance tous les investisseurs désireux d'aller en Russie.

Selon le rapport de la société d'études internationales PBN, « la corruption est la première raison pour laquelle les investisseurs étrangers craignent d'investir en Russie, et quatre investisseurs sur dix pensent qu'il est très difficile d'y faire des affaires sans compromettre les normes éthiques et légales internationales ». Sur ces bases, on pourrait croire que les porteurs français d'emprunts russes ont fort à faire. Et pourtant, leur revendication légitime n'a rien d'irréaliste.

Avec une croissance de 6,5 % en 2004, la manne pétrolière et les rentrées fiscales ont permis de dégager un nouvel excédent budgétaire à hauteur d'environ 3,5 % du PIB de la Russie. Les réserves en or et en devises s'accumulent dans les coffres du Kremlin, pour dépasser 121 milliards de dollars. A titre de comparaison, l'Afper estime la valeur des emprunts russes émis à l'époque des tsars à 46 milliards d'euros.

Des négociations sont même en cours, à la demande de Vladimir Poutine avec le Club de Paris, pour que la Russie rembourse par anticipation une partie de sa dette à son endroit (44 milliards de dollars). La Russie espère ainsi gagner les faveurs des agences de notation financière internationales chargées d'évaluer la qualité des emprunteurs internationaux. Et pourtant, comme l'indique l'OCDE : « Sans amélioration substantielle de la probité, de l'efficience et de la transparence des tribunaux et de l'administration, l'Etat russe continuera à freiner la croissance. »

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